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Gaspillage alimentaire : un an après la loi, le boom des solutions

 La loi anti-gaspillage alimentaire doit notamment empêcher les grandes surfaces de jeter de la nourriture et de rendre leurs invendus impropres à la consommation. Archives AFP

Depuis la loi anti-gaspillage alimentaire votée en février 2016 par la France, les entreprises et les start-up multiplient les initiatives, développant un nouveau business vertueux qui profite à la région

Il y a un an, le 11 février 2016, la France entérinait une loi contre le gaspillage alimentaire, dite loi Garot. 

Une première mondiale qui place l’Hexagone sur le podium du classement effectué par le Food Sustainability Index,  suite à l’évaluation du système alimentaire de 25 pays en 2016. Depuis, alors qu’il n’existe toujours pas en Europe de politique globale pour réduire le gaspillage alimentaire, un échec pointé le 17 janvier 2017 par la Cour des comptes européennes (CCE), la France a été suivie, en août 2016, par l’Italie, qui a opté pour une solution non punitive. Aujourd’hui, les parlementaires britanniques se penchent à leur tour sur la question.

Diviser par deux le gaspillage alimentaire

Les volumes du gaspillage alimentaire représentent un impact carbone de 15,3 millions de tonnes équivalent CO2, soit 3% des émissions de gaz à effet de serre de la France. L’Ademe

Les chiffres sont effarants. Le gaspillage alimentaire, ce sont 1,3 milliards de tonnes de nourriture jetées chaque année dans le monde, 100  millions en Europe et 10 millions en France, dont 2,3 millions au seul niveau de la distribution. Pour une valeur commerciale estimée à 16 milliards d’euros dans l’Hexagone, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui rappelle aussi que le gâchis pèse lourdement sur notre facture environnementale et, au final, sur le réchauffement climatique.

Empêcher les les grandes surfaces de jeter de la nourriture

Pour s’attaquer à ce phénomène écologiquement et humainement insoutenable, quand des centaines de milliers d’Européens peinent à se nourrir convenablement et que la faim  touche encore 10% de la population de la planète, la France a élaboré une série de mesure chocs, avec l’objectif de réduire par deux le gâchis, d’ici à 2025. 

Première cible, les supermarchés. Il s’agit d’empêcher les enseignes de jeter des produits encore consommables et de rendre leurs invendus impropres à la consommation, par un éventail de solutions qui vont de la prévention au don aux associations caritatives, en passant par la transformation ou le compost. Sous peine d’amende. 

10 millions de repas distribués

Un an après, qu’est-ce qui a changé ? S’il est encore trop tôt pour obtenir un bilan chiffré précis et complet de l’impact de la loi, on sait que 10 millions de repas ont été distribués aux plus démunis et que plus de 5 000 nouvelles associations reconnues par l’État ont désormais le droit de distribuer les invendus alimentaires à la fermeture des magasins. Un premier point positif. 

Pour aider les associations qui redistribuent les denrées et les écoles à sensibiliser les élèves à la réduction du gaspillage alimentaire, l’Ademe a par ailleurs consacré en 2016 un budget de 10 millions d’euros.  

Trois initiatives anti-gaspi alimentaire au top dans la région

Un nouveau marché prometteur

De leur côté, pour faire la chasse au gaspillage alimentaire du producteur au consommateur, en passant par le vendeur, les entreprises et les start-up multiplient avec succès les initiatives vertueuses, développant ainsi un nouveau marché prometteur dans le créneau de la gestion des invendus alimentaires. Les solutions de trois d’entre elles, parmi les plus innovantes, sont présentes dans le grand Sud-Ouest.

  • 1. A Agen, Comerso, leader national de la lutte anti-gaspi 
Comerso, une start-up agenaise en plein essor.
Comerso, une start-up agenaise en plein essor. Crédit photo : Comerso

Les enseignes doivent désormais passer des conventions avec les associations caritatives pour donner leurs invendus. Mais comment gérer la logistique entre les magasins et les bénévoles ? Pour répondre au besoin en facilitant le don, aux côtés d’autres entreprises comme Phenix ou Eqosphere, l’entreprise lot-et-garonnaise Comerso propose aux grandes surfaces la prise en charge de leurs invendus alimentaires de A à Z.

Confondée par Pierre-Yves Pasquier, cadre chez Danone, et Rémi Gilber, spécialiste du conseil aux entreprise, la start-up est née sur l’Agropole d’Agen (Lot-et-Garonne) en 2013. Avec un concept original : la jeune pousse propose du conseil aux magasins pour réduire les invendus et chiffre leur engagement pour l’aide alimentaire. Puis, elle prend en charge la logistique du transport de la nourriture à livrer les associations, sous-traitée au réseau d’entreprises sociales et solidaires Envie. L’enlèvement prévoit traçabilité et respect de la chaîne du froid. Impératif pour le frais.  

3,9 millions de repas aux associations

Chacun y trouve son compte : le magasin qui bénéficie d’un crédit d’impôt en réduisant ses invendus, et les associations, comme la Banque alimentaire de Bordeaux et de la Gironde, pour lesquelles le service de collecte est gratuit. Quant à Comerso, qui a vu son activité quadrupler chaque année depuis sa création et collecte 120 tonnes d’invendus par  jour auprès de 150 magasins, elle trouve son compte via une commission sur l’économie générée. Et ça marche. La start-up qui avait distribué l’équivalent de plus de 2,6 millions de repas aux associations en octobre 2016, en est à près de 3,9 millions de repas, vient de lever 2,2 millions d’euros et rêve de conquérir le marché européen. 

  • 2. A Bordeaux, Too Good To Go, l’appli gagnant-gagnant 

Autre créneau porteur, le marché des invendus de la restauration. Depuis janvier 2016, les restaurateurs (mais aussi les cantines et les commerces alimentaires) qui produisent plus de 10 tonnes de bio-déchets par an, soit entre 150 et 250 couverts par jour, ont l’obligation de trier et de valoriser ces restes alimentaires qui incluent les plats et les préparations invendues, sous peine d’amende. Pour aider les consommateurs et les commerçants à réduire ce gaspillage, plusieurs start-up ont créé des applications pour téléphones et tablettes.

L'équipe de Too Good to Go.
L’équipe de Too Good to Go. Crédit photo : Too Good to Go

En pointe, aux côtés d’OptiMiam ou Check Food,  l’appli Too Good To Go a débarqué à Bordeaux en octobre dernier, puis à Toulouse. Né au Danemark, ce projet lancé en juin 2016 à Paris et porté en France par Camille Colbus, veut offrir une solution gagnant-gagnant pour chacun, en mettant en relation commerçants et consommateurs, afin d’éviter que les invendus n’atterrissent à la poubelle.

Comment ça marche ? L’idée c’est de connecter, via une application à télécharger sur le Web, des commerçants engagés et leurs clients pour que ces derniers puissent acheter, à prix très réduits, les stocks de produits frais invendus qui restent à la fermeture du magasin. Boulangeries, pâtisseries, restaurants, sandwicheries, traiteurs, cantines et organisateurs d’événements peuvent ainsi optimiser leur chiffre d’affaires, tout en agissant en faveur de l’environnement. En moyenne, avec Too Good to Go, les commerces partenaires engrangent 300 euros de recettes par mois. 

Côté consommateur, pour utiliser l’appli, rien de plus simple : il suffit de la télécharger et d’activer la géolocalisation. En un clin d’oeil, on repère les commerces qui propose des invendus près de chez soi, on commande sa ou ses boîtes de nourriture, on paie en ligne, et on n’a plus qu’à se rendre dans le point de vente choisi pour récupérer sa commande.

  • 3. A Toulouse, le "doggy bag" de TakeAway fait la promotion anti-gaspi de la Ville
Le "doggy bag" Take Away.
Le "doggy bag" Take Away. Crédit photo : AFP

La pratique du "doggy bag", très en vogue dans les pays anglosaxons, permet aux clients d’emporter chez eux les restes de leur repas au restaurant et évite aux restaurateur de les jeter. La pratique est recommandée en France depuis le 1er janvier 2016. Plus de 1 000 restaurants français proposent désormais à leurs clients de ramener chez eux, dans une barquette, les restes de leur assiette.

Pionnière sur le secteur du "doggy bag" : TakeAway, une entreprise créée en 2014 à Lyon par des étudiants. Ses emballages cartonnent. Malins et verts, ils  sont en carton 100% recyclable et étanche, disposent d’une poignée et peuvent aller au four, y compris à micro-ondes.

Partenaire de deux syndicats de l’hôtellerie et de la restauration, l’UIMH et GNI-Synhorcat, la start-up a passé des contrats avec la métropole de Toulouse qui a distribué ses emballages personnalisables, au design sur mesure, dans des actions de promotion anti-gaspi, à l’instar de Bruxelles, Monaco, Paris et Reims.

Les ventes sont ainsi passées de 72 000 boîtes en 2015 à 500 000 en 2016, et la société se diversifie désormais dans la vente à emporter pour des enseignes à la recherche d’un emballage haut de gamme.

http://www.sudouest.fr