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Les dons alimentaires représentent la moitié de ce qui est distribué par Les Restos du cœur

 A l’occasion de la grande collecte nationale des Restaurants du cœur, les vendredi 8 et samedi 9 mars, dans tous les supermarchés de France, Jean-Claude Guesdon, secrétaire général de l’association, revient sur les enjeux des dons alimentaires.

Entretien avec Jean-Claude Guesdon, secrétaire général de l’association, à l’occasion de la grande collecte nationale des 8 et 9 mars.

D’où viennent les produits alimentaires distribués par Les Restos du cœur ?

Les dons alimentaires représentent la moitié de ce qui est distribué aux bénéficiaires des Restos. Cela comprend la « ramasse » [collecte] de produits frais invendus (27 000 tonnes en 2018), bien sûr la collecte nationale (7 877 tonnes) et les collectes locales, mais aussi des dons agricoles (notamment laitiers) et d’industriels de l’agroalimentaire. Le reste est issu d’achats par l’association et les dons du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), qui fournit à lui seul un repas sur quatre aux Restos du cœur.

Cette myriade de pratiques existe depuis toujours. Mais après la crise de 2008 et l’intensification des besoins, cela a été une volonté des Restos – et une nécessité – de diversifier les sources d’approvisionnement pour ne pas se reporter sur l’achat de denrées. Cela le sera d’autant plus à l’avenir que le FEAD permet aujourd’hui de nourrir seize millions de personnes en Europe pour un coût d’un euro par habitant et par an (3,8 milliards d’euros pour 2014-2020). En France, cela représente un tiers de l’aide alimentaire. Ces fonds sont garantis jusqu’en 2020, mais nous sommes très inquiets, car le plan 2021-2027 fait actuellement l’objet de négociations et la décision doit tomber cet automne.

Lire l’enquête : Comment Les Restos du cœur ramassent les invendus des supermarchés
Le chantier d’insertion des Restos du cœur à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où se trouvent les cuisines et d’où partent les sept camions qui iront fournir les sites de distribution de Paris.

Le chantier d’insertion des Restos du cœur à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où se trouvent les cuisines et d’où partent les sept camions qui iront fournir les sites de distribution de Paris. OLGA KRAVETS POUR « LE MONDE »

Avez-vous ressenti un impact positif après le vote de la loi Garot de 2016, qui vise à diviser par deux le gaspillage alimentaire en France d’ici à 2025, en encourageant les dons aux associations ?

La loi a créé un écosystème favorable au don et à la « ramasse » des invendus, par exemple en gardant le mécanisme d’incitation fiscale de l’article 238 bis du code des impôts [dite « loi Coluche », du nom du créateur des Restos en 1985] qui permet aux entreprises de bénéficier d’un avantage fiscal, à hauteur de 60 % de la valeur hors taxes du don. La loi a aussi permis d’homogénéiser les pratiques et encouragé les grandes surfaces à donner leurs invendus, si possible quarante-huit heures avant la date limite de consommation.

La loi alimentation d’octobre 2018 a élargi la loi Garot à la restauration collective et aux industries agroalimentaires. Ce n’est pas une révolution, car on a déjà noué des partenariats, par exemple avec des hôpitaux, mais s’il y a des opportunités à saisir, on les saisira.

Yoka, un chauffeur bénévole chez Les Restos du cœur, vérifie avec un employé d'un supermarché les dates d'expiration des produits avant de les ramener pour le tri et la distribution.

Yoka, un chauffeur bénévole chez Les Restos du cœur, vérifie avec un employé d'un supermarché les dates d'expiration des produits avant de les ramener pour le tri et la distribution. OLGA KRAVETS POUR « LE MONDE »

Quel bilan faites-vous de la mise en place de la collecte d’invendus par les bénévoles ?

On a doublé les volumes en cinq ans : en 2018, cette « ramasse » a permis de récupérer 27 000 tonnes de produits alimentaires, et on estime le kilogramme à environ deux euros. Si aujourd’hui on a la quantité, on doit porter notre attention sur la question de la qualité et du tri, car les dates doivent être les plus éloignées possibles pour améliorer notre capacité de redistribution.

Le risque, c’est de devenir une sorte de filière d’écoulement des produits, on n’est pas là pour traiter les déchets. Les gens sont souvent plus sensibles à la lutte contre le gaspillage qu’aux besoins des personnes démunies et à la nécessité de leur proposer des repas équilibrés. Notre but, ce n’est pas de faire cinquante kilomètres pour aller chercher quatre pots de yaourt, il faut que ça soit moins cher d’aller le chercher que de l’acheter. C’est une question beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.

La « ramasse », ce n’est pas que gratuit, cela a un coût pour Les Restos du cœur. Cela pose la question du financement de la logistique : pour le transport, le stockage, le respect de la chaîne du froid, et cela nécessite aussi de faire appel à plus de bénévoles.

De plus, chaque association départementale (AD) a ses contraintes. Les centres de distribution de province sont souvent dépendants d’une ou deux très grandes surfaces qui sont dans leur zone, et de leur bonne volonté, car tous ne jouent pas le jeu. L’AD75 est particulière, car il s’agit de petites et moyennes surfaces. C’est une chance en termes de diversité et de qualité des produits, mais cela implique une plus grosse logistique.