L'insécurité alimentaire touche près d'un jeune sur deux en France
L'inflation n'a pas seulement bouleversé les comportements alimentaires. Elle a aussi mis des populations nouvelles en situation d'insécurité alimentaire, les contraignant à solliciter de l'aide pour se nourrir ou éviter d'avoir à se passer de manger, selon Pascale Hébel, directrice de l'association C-Ways.
Cette précarité concerne plus d'un tiers (37 %) de la population aujourd'hui, selon la première étude de l'Observatoire des vulnérabilités alimentaires mis en place par la Fondation Nestlé. Une personne sur cinq a souffert de la faim en France au cours des douze derniers mois. Une sur cinq aussi dit ne pas pouvoir s'offrir de repas sains.
Le problème n'affecte pas toutes les régions ni toutes les catégories sociales de la même façon, mais contrairement à des opinions couramment répandues, « il touche aussi désormais des femmes diplômées, en CDI, ayant des enfants », souligne Pascale Hébel. Au total les jeunes de 18 à 24 ans, sont particulièrement concernés avec un pourcentage de 41 %. Les femmes sont plus concernées que les hommes. Les personnes seules le sont également plus. D'une manière générale, toutes ces populations ont « un moins bon état de santé et un budget alimentaire bien plus faible que la moyenne », selon l'enquête de l'Observatoire.
La débrouille
La très grande majorité (81 %) des Français se trouvant en situation de précarité alimentaire n'a pas recours aux aides existantes. « Ils ne vont pas chercher de soutien essentiellement parce qu'ils ont un sentiment de honte ou de malaise vis-à-vis des autres », indique encore Pascale Hébel. C'est le cas pour près de la moitié d'entre eux.
Plutôt que de demander assistance, ces personnes mettent d'autres stratégies en place. Elles ont préféré pour 91 % d'entre elles changer leurs circuits d'approvisionnement et ne fréquentent plus les mêmes magasins. Elles optent pour les commerces « anti-gaspi, solidaires, participatifs », indique la fondation Nestlé.
Leurs achats et leurs régimes alimentaires évoluent aussi. Un tiers des Français déclarent avoir réduit ses portions et mangé moins que souhaité, et un Français sur cinq dit ne pas pouvoir « manger sain » pour des raisons financières. Leurs choix se portent sur des produits moins chers, parmi lesquels les pâtes, le riz, les semoules et les conserves ou… des plats tout prêts qui répondent à une absence d'équipements à la maison ou au manque de goût pour la cuisine.
Changements de circuits
Les premières denrées sacrifiées sont la viande, le poisson et le fromage. Les végétariens sont nombreux. Plus par contrainte que par choix, si on se fie à l'image que les Français en situation de précarité ont d'un repas. « Manger c'est d'abord se rassasier. Pour cela un repas doit comporter de la viande, des légumes, un dessert, fruit ou yaourt », selon Pascale Hébel.
Un tiers des personnes sur lesquelles l'Observatoire a fondé son enquête n'a « pas les équipements indispensables » à la cuisine. Il ressort de l'étude que 15 % n'ont pas de réfrigérateur et 23 % n'ont pas de micro-ondes. « L'équipement qu'elles ont le moins est la plaque chauffante », ajoute Pascale Hébel. Comment font-elles ? « Elles se débrouillent. Le faire soi-même ne leur correspond pas. »
Publié le 16 nov. 2023 sur les Echos.fr