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Emploi : la précarité gagne du terrain

La précarité professionnelle a augmenté sous l'effet d'une hausse continue des embauches en CDD ou en intérim. - AFP

Près d'une personne sur trois a été concernée au moins une fois dans l'année par le chômage ou le sous-emploi, selon l'Insee. C'est près de 6 points de plus en dix ans.

Des créations d'emploi toujours en hausse malgré le coup de frein à la croissance, un taux de chômage qui diminue, lentement mais sûrement, ou encore des salaires moyens qui accélèrent dans le privé comme dans le public : le millésime 2018 de l'édition « emploi chômage et revenu du travail » de l'Insee, publié ce mardi, confirme que le marché de l'emploi a tourné la page de la crise de 2008. Mais ce constat positif en cache un autre, plus inquiétant, marqué par une précarité professionnelle grandissante.

Cette précarité se mesure avant tout par la part des emplois à durée limitée dans l'emploi total  : à 15,4 % environ, elle a atteint en 2017 son niveau le plus haut depuis 1982, année durant laquelle l'institut statistique a commencé à la mesurer (6,4 %). Près de 85 % des salariés restent en CDI ou fonctionnaires, mais ce stock est grignoté mois après mois, sous l'effet d'un flux d'embauches en intérim ou en CDD de plus en plus important.

Dualité du marché du travail

Les syndicats trouveront dans l'étude une autre raison pour dénoncer cette tendance à la dualité du marché du travail entre protection et précarité. Suivant une recommandation du Conseil national de l'information statistique (Cnis), l'Insee a affiné la mesure du nombre de personnes en situation professionnelle dite « contrainte ». Ce vocable recouvre les personnes qui souhaitent travailler mais n'ont pas d'emploi ou celles qui occupent un emploi à temps partiel mais souhaitent travailler plus (sous-emploi).

Une première approche, dite « en coupe », est basée sur le sondage hebdomadaire qui permet de mesurer le taux de chômage au sens du Bureau international du travail. Il en ressort qu'un peu moins d'une personne sur cinq s'est retrouvée à un instant donné dans l'une de ces situations de contrainte. C'est trois points de plus qu'en 2008, signe que la tendance n'est pas à l'amélioration. Qui plus est, cette méthode ne prend pas en compte les cas de plus en plus fréquents de parcours discontinus : une personne interrogée peut être alternativement en emploi à temps complet, au chômage ou en inactivité.

Pour pallier cette limite, le Cnis a recommandé de mesurer l'emploi contraint sur une fenêtre plus large d'un an. Les résultats sont encore plus décourageants. Près d'un participant sur trois (31,6 %) au marché du travail a été concerné au moins une fois dans l'année par une situation de contrainte. Soit près de 6 points de plus qu'il y a dix ans.

Les femmes plus touchées

Dans le détail, les femmes sont plus touchées que les hommes (37 % contre 27 %). L'âge et le niveau de qualification sont aussi très discriminants, souligne l'étude. La catégorie la plus contrainte sur le marché du travail regroupe donc les jeunes femmes peu ou pas diplômées : 79 % le sont au moins une fois dans l'année, contre 11 % des hommes d'âge médian ayant décroché un titre du supérieur.

La hausse continue de ce taux de contrainte au sens large depuis 2007 a connu un ralentissement en 2017. On pourrait s'en réjouir, sauf que le recul est moins marqué que pour le même indicateur mesuré « en coupe ». Pour l'Insee, cette légère divergence traduit une discontinuité des parcours toujours plus marquée. « Les parcours fragmentés alternant période de participation contrainte au marché du travail et période d'inactivité ont nettement augmenté depuis 2012 », souligne l'étude.

 
lesechos.fr