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Précarité « J’aurais pu partir en vacances depuis des années, mais… »

Bénéficiant de chèques-vacances et de bons de la CAF, Christine passera cet été deux semaines au bord de la Garonne avec son fils. Nicolas Cleuet

En cette période estivale, nombre de familles n’imaginent même pas pouvoir voyager, ignorant les aides sociales qui leur permettent de faire valoir ce droit. Grâce au soutien d’une association, Christine, elle, va enfin goûter aux joies de la campagne avec son fils.

Le jour où Christine a appris qu’elle partirait en août avec son fils en vacances, elle a pleuré de joie. Dans son deux-pièces, situé dans la résidence sociale Albert-­Camus, dans le nord de Paris, Christine sort une pochette rouge où elle consigne précieusement les documents de son séjour : billets de train, feuille de route, photos de la caravane au milieu des pins et du plan d’eau. Du 7 au 20 août, elle quittera enfin la rumeur et le rythme infernal de la capitale pour « la verdure », dans un camping en bord de Garonne à une demi-heure de Bordeaux. Pour la première fois de sa vie, cette maman de trois enfants (3 ans, 16 ans et 17 ans), femme de ménage dans une école, bénéficiera de bons de la caisse d’allocations familiales (CAF) et des chèques-vacances. Sa participation à elle ne sera que de 68,80 euros. « En fait, j’aurais pu partir depuis des années mais je n’ai jamais profité des bons CAF car je ne comprenais pas très bien leur fonctionnement… »

C’est grâce à une autre maman qu’elle apprend l’existence de l’association Vacances et familles, basée à Montreuil, dont la vocation est d’accompagner les bénéficiaires d’aides aux vacances. Arwa Zaarra, salariée de cette association qui aide près de 1 000 familles par an à partir, explique les nombreux obstacles : « Nous voyons souvent arriver des familles monoparentales qui ne comprennent pas le système des bons CAF et qui ne feront pas la démarche pour partir en séjour. Les familles ne connaissent pas toujours leurs droits. » Mais lorsqu’elles font la démarche de prendre un rendez-vous, souvent aiguillées par les CAF ou par des assistantes sociales, ces familles ont déjà fait la moitié de la route pour les vacances.

« Lorsqu’on les reçoit, on examine leur situation, poursuit Arwa Zaarra. On leur demande où elles aimeraient aller. Certaines n’ont pas quitté leur appartement depuis des années, donc nous adaptons le séjour dans un village vacances, un camping ou un gîte. Nos 1 500 bénévoles sont là pour aider au bon déroulement de ces congés. » Créée en 1962 par Malou Barbe, une assistante sociale blanc-mesniloise, l’association vise un deuxième objectif à long terme : l’acquisition d’une autonomie suffisante pour que les familles envisagent un départ en vacances seules.

« Je n’ai jamais pu faire ça avec mes deux grands »

Pour Christine, la proposition de l’association est tombée comme un cadeau. Lorsqu’elle se présente à l’association en avril dernier, elle expose sa situation de maman célibataire. « Mes deux grands enfants ne souhaitent pas partir en vacances avec moi. Mais le plus petit, lui, a besoin de prendre le bon air de la campagne. J’ai besoin de silence et de repos. La seule chose que je voulais, c’était aller dans le Sud ! »

Voilà huit ans que Christine vit dans un petit appartement rudimentaire. Et voilà trois ans qu’elle dort dans le même lit que son fils et que ses deux adolescents partagent une chambre. « Cette résidence est censée être un point de transit de trois ans au plus, explique-t-elle. Mais la plupart des gens sont comme moi, sans autre solution d’hébergement. ça fait dix-huit ans que j’attends un logement social », se désole cette quadragénaire. Avant son arrivée dans cette résidence, Christine et ses deux enfants ont vécu dans des hôtels d’urgence pendant quelques années. « Je me suis occupée d’eux comme j’ai pu. Il m’était impossible de travailler. Aujourd’hui, j’ai enfin trouvé un travail pour quelques heures par semaine, mais nous vivons comme des rats ici. C’est précaire. Je n’invite jamais personne. Pour joindre les deux bouts, j’ai recours à l’épicerie solidaire. » Cette maman a pourtant été reconnue prioritaire au titre du droit au logement opposable.

Très impatiente de prendre le train avec son fils Benjamin, Christine sait qu’un bénévole de l’association viendra la chercher à la gare de La Réole pour la conduire au camping du Fontet. Depuis plusieurs semaines déjà, Jean-Pierre Malirat, bénévole girondin de l’association depuis 2009 et membre du conseil d’administration, s’affaire pour préparer l’accueil. En août, il recevra Christine et son enfant. « Nous attendons les familles à la gare avec un écriteau puis nous les aidons à s’installer. Nous organisons ensuite un pot d’accueil avec une animation de cirque. Nous sommes des référents, un peu pour les rassurer, mais le but reste l’autonomie des familles », explique-t-il. Pendant la durée du séjour, elles peuvent solliciter la vingtaine de bénévoles présents pour faire des courses ou de petites réparations. Mais surtout des activités sont proposées deux fois par semaine à la dune du Pilat sur le bassin d’Arcachon ou encore au parc d’attractions Walibi à Agen. « Pour ces sorties, c’est essentiellement le soutien de l’Agence pour les chèques-vacances, qui rend ces offres possibles. C’est une dotation très importante sans laquelle on ne pourrait pas faire sortir les familles dans la région », précise Jean-Pierre Malirat.

Avec un grand sourire, Christine ne se lasse pas de regarder la photo de la petite caravane posée sur un bout d’herbe, entourée de grands pins parasols, et celle aussi de la base nautique du Fontet. « Quand je vois ce petit lagon bleu et cette plage, je sens que ça va être magnifique, je vais bien dormir ! Je n’ai jamais pu faire ça avec mes deux grands. Je suis très émue de pouvoir le faire avec mon fils. J’enverrai une carte avec une photo de nous à l’association. »

 


Le tourisme, levier d’action sociale et solidaire

Créée en 1982, l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), dont le but premier est de favoriser le départ en vacances des Français, a fait évoluer ses propositions pour toucher des publics qui échappaient aux dispositifs existants. C’est le cas du dispositif « Ville, vie, vacances » à destination des jeunes des quartiers prioritaires. « Plus de 2 500 jeunes filles et garçons sont partis, avec pour but de profiter de vacances mais aussi d’acquérir des compétences et de les réinsérer dans un parcours professionnel, explique la directrice de l’action sociale, Dominique Ktorza. Cela permet de lutter contre l’isolement et a même un impact sur la santé. »