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L’aide alimentaire aux plus démunis pourrait pâtir de la chasse aux niches fiscales

Une crainte se fait jour chez les associations qui reçoivent et distribuent des dons alimentaires.

Dans son projet de lois de finances pour 2020, le gouvernement entend réduire les avantages fiscaux consentis aux entreprises mécènes.

Une crainte se fait jour chez les associations qui reçoivent et distribuent des dons alimentaires. Les Restos du cœur, le Secours populaire, la Croix-Rouge française et la Banque alimentaire qui, elle-même, approvisionne des centaines d’associations redoutent de devenir les victimes collatérales de la chasse aux niches fiscales.

Le sujet est au menu du projet de loi de finances pour 2020 car les mesures annoncées par Emmanuel Macron en décembre 2018 pour répondre à la crise des « gilets jaunes », et les baisses d’impôt dévoilées le 25 avril, seront financées par la diminution des avantages fiscaux consentis aux entreprises, notamment celui pour les actions de mécénat. Or, le don de produits alimentaires est considéré comme du mécénat et la grande distribution profite à plein de l’avantage fiscal qui lui est lié. Le raboter ou le supprimer pourrait donc entraver la redistribution de vivres aux plus démunis.

Les Restos du cœur, par exemple, distribuent 115 000 tonnes de denrées dont 40 % issues de ces dons ; la Banque alimentaire reçoit chaque année l’équivalent de 360 millions d’euros de dons en nature venus d’entreprises ainsi autorisées à déduire de leur impôt sur les sociétés 60 % des dons, dans la limite de 0,5 % de leur chiffre d’affaires. C’est la loi Aillagon, en 2003, qui a créé ce régime fiscal du mécénat d’entreprise, « généreux (…), le plus incitatif d’Europe », selon les termes de la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2018.

Donateurs « sensibles aux changements fiscaux »

Le système a si bien fonctionné que cette niche fiscale commence, toutes formes de mécénat confondues, à peser sur le budget de l’Etat : entre 2004 et 2017, le nombre de sociétés bénéficiaires a décuplé, passant de 6 500 à 68 930, tout comme la dépense fiscale, de 90 à 902 millions d’euros ! Ces avantages sont en outre très concentrés : un petit nombre d’entreprises, 24 au total, captent à elles seules 44 % des réductions d’impôt . Grâce à leurs dons de produits alimentaires, les grands distributeurs, Casino, Carrefour, Auchan, Lidl, mais aussi les agriculteurs et l’industrie agroalimentaire, figurent aux premières places du palmarès des donateurs et de la défiscalisation.

Les discussions actuelles évoquent la possibilité de plafonner l’avantage fiscal lui-même à 1 ou 2 millions d’euros.

En octobre 2018, un amendement à la loi de finances pour 2019 proposé par Joël Giraud, député (LRM) des Hautes-Alpes et rapporteur général du budget, avait déjà inquiété les associations. Il entendait plafonner le montant des dons déductibles à 10 millions d’euros, soit un avantage maximal de 6 millions d’euros. De son côté, la Cour des comptes suggère de ramener le taux de 60 % à 50 %, voire 40 % de déduction fiscale. Les discussions actuelles évoquent la possibilité de plafonner l’avantage fiscal lui-même à 1 ou 2 millions d’euros.