logo-ba-81

Phénix, champion de l'anti-gaspillage alimentaire

En France, 10 millions de tonnes comestibles partent à la poubelle chaque année. - Photo Antonio Pisacreta/Ropi-réa

Phénix, créé en 2014, lutte contre le gaspillage en récoltant des denrées auprès de grandes enseignes et en les dispatchant auprès d'associations caritatives.

Phénix récupère les invendus de la grande distribution pour les donner à des associations. Mais Phénix ne sait pas où donner de la tête. Et pour cause, les chiffres donneraient le tournis (ou la nausée) à n'importe qui. L'homme gaspille un tiers de la production mondiale de nourriture, soit 1,3 milliard de tonnes par an, selon un rapport de la FAO de 2011. En France, ce sont 10 millions de tonnes comestibles, soit 16 milliards d'euros, qui partent à la poubelle chaque année, selon une étude de l'Ademe de 2016.

Phénix - l'oiseau mythologique qui renaît de ses cendres -, créé en mars 2014, emploie déjà 72 personnes à temps plein dans 15 villes de France, et a réalisé 2,2 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016. L'équipe tâte maintenant le marché en Espagne, au Portugal et au Danemark. « Soit on consolide ce qu'on a lancé en France, soit on se dit que c'est le bon moment pour créer un champion européen de l'anti-gaspillage », expose Jean Moreau, cofondateur de l'entreprise.

Economies et défiscalisation

Ce dilemme, beaucoup de start-up aimeraient se le poser. Et pourtant, il y a trois ans, ni le marché ni le modèle de Phénix n'existent véritablement. Lui et son associé, Baptiste Corval, démarchent les enseignes une par une, à coups de téléphone, d'e-mails et de rendez-vous en costume. Le premier client tombe en juin 2014, un Auchan de 12.000 mètres carrés à Fontenay-sous-Bois (94). Les Leclerc, tous indépendants, acceptent aussi les uns après les autres. En revanche, Casino, Franprix, Carrefour, avec des décisions centralisées, se font désirer pendant presque dix-huit mois avant d'accepter.

Les fondateurs se présentent avec une offre difficile à refuser : la possibilité d'économiser le coût de la destruction des invendus (environ 120 euros la tonne) et, en plus, de défiscaliser 60 % de la valeur donnée. Sur ce total d'économie, Phénix prend 30 % du montant. « Les invendus atteignent environ 1.500 à 2.000 euros par jour, sur un Leclerc de 10.000 mètres carrés », estime Jean Moreau. Sans compter la gratification morale de ne plus jeter de la nourriture.

A cette époque, chez Phénix, tout se fait au téléphone, à la main ; et pour récolter les denrées, et pour les dispatcher. « On coordonnait tout avec un logisticien. On garantissait aux magasins que deux associations par jour viendraient chercher les invendus : les Restos du Coeur, la Croix-Rouge... On a aussi formé les équipes des magasins à ne pas tout jeter. C'était plutôt un boulot de coaching au final. » En parallèle, Phénix développe une plate-forme Web pour traiter les futurs gros volumes, qui connaît à l'allumage les difficultés classiques d'une marketplace : s'il n'y a pas de demande, il n'y a pas d'offre, et inversement.

En juin 2015, ils lèvent 1 million d'euros, puis un autre million et demi en janvier 2016 pour assurer leur implantation dans l'Hexagone. Nul doute que les investisseurs ont apprécié, entre autres, la complémentarité des cofondateurs. L'un, Jean Moreau, issu d'Essec et de Sciences Po, a travaillé cinq ans en banque d'affaires ; et l'autre, Baptiste Corval, est ingénieur et fut entrepreneur par le passé. Sans redondance dans leurs compétences, sans gaspillage.